Tous au Larzac !

tous au larzacEn 1971, un projet d’extension de camp militaire menace d’expropriation une centaine de paysans du Larzac. Pas à pas, ceux-ci font alors l’apprentissage de la résistance, de l’engagement et de la lutte collective. Le documentaire raconte les évènements qui se sont succédé jusqu’en 1981, date à laquelle les élections présidentielles mettent un terme au projet et rendent leurs terres aux agriculteurs.

Récits de souvenirs et images d’archive, le point de vue du film est celui de ceux qui se racontent avec un recul de plus de 30 ans. Le documentaire prend parfois les allures d’un western qui se déroulerait dans l’Aveyron sur fond de musique celtique jouée à la cornemuse et d’accent occitan. Les paysans sont tels les opposants au chemin de fer d’alors, attachés à leur mode de vie, leurs terres, ils sont les résistants au progrès, à l’autorité, à la loi. Christian Rouaud, le réalisateur, crée les liens entre les témoignages pour fabriquer le récit de l’aventure et l’équipe sillonne la région comme elle explore les souvenirs, cherchant ce qui revêt la force de témoignage, dans les visages, les voix et les paysages.

Ce que l’on retient du film, ce sont les liens. Ceux qui se sont tissés au cours de ces 10 années de lutte entre les paysans mais aussi, entre le monde rural et le monde ouvrier, entre l’agriculture et les discours politiques. Des liens qui ont reconnecté le monde paysan aux enjeux politiques et économiques internationaux (moisson pour le tiers-monde en 1974 par exemple) mais qui également ont consacré cette lutte comme un évènement fondateur dans la résistance paysanne. Au fil de leur parole, les paysans témoignent de leur attachement à la terre et montrent comment les moyens de la lutte ont été inventés et discutés à chaque étape, avec le souci de l’unanimité pour que chacun puisse assumer les décisions collectives. Convaincus de leur légitimité, déterminés, solidaires, inventifs mais hésitant et improvisant sur les méthodes, ces hommes et ces femmes racontent comment, « de droite, allant à la messe » et regardant d’un œil suspect à la télévision ces gauchistes d’étudiants de mai 68, ils sont devenus les pionniers d’un lutte faisant défiler les brebis au Champ-de-Mars, sillonnant la France en tracteurs et organisant le plus grand rassemblement de paysans, antimilitaristes, maoïstes, hippies, contestataires et militants politiques du moment en 1973 sur le plateau du Larzac, avec près de 100 000 personnes réunies.

 

Tout au long du film, il faut au spectateur projeter les récits sur les images, celles-ci prenant alors une tout autre dimension, émouvante, sensible et subjective. Au départ d’une archive montrée au ralenti, le spectateur peut percevoir l’incroyable densité du silence de la manifestation dans les rues de Paris. Avec ce dispositif, le film confère aux paysages la force que le récit tire des souvenirs. Un plan large du plateau d’aujourd’hui, ses roches grises qui percent la végétation et ses buissons accrochés au sol luttant contre le vent, et le spectateur doit imaginer le rassemblement de 1973 : un hectare de sacs de couchage orange et bleu dans une brume matinale et silencieuse au lendemain d’une nuit de débats festifs et enthousiastes. L’uniformité des équipements pour refléter la solidarité entre les hommes, ouvriers, paysans et militants, qui chacun, venaient d’apporté ce qu’ils avaient de mieux, « dans une grande naïveté » (de 39’31 à 49’29).

Le temps a aiguisé le regard. Il donne aussi tout son sens à cette lutte liée intimement au contexte des années 70 mais qui se poursuit aujourd’hui sous d’autres formes et en réaction à d’autres menaces (OGM, industrialisation, PAC, etc.). Très vite dans le film on ressent l’enthousiasme et très vite on se demande s’il serait encore possible, aujourd’hui, de donner naissance à un mouvement d’une telle ampleur.

 

 

Blog at WordPress.com.

Up ↑